Philippe Pétain

petain

Maréchal et homme d'État

Cauchy‑à‑la‑Tour - France, 24 avril 1856 || Port‑Joinville, île d'Yeu - France, 23 juillet 1951

Issu d'une famille de cultivateurs, il fit ses études secondaires chez les dominicains d'Arcueil, et ses études militaires à Saint‑Cyr, d'où il sortit lieutenant de chasseurs, en 1878, et fit carrière dans l'infanterie. Professeur à l'École de guerre de 1901 à 1910, il était parvenu au grade de colonel en 1911 et allait être atteint par la limite d'âge lorsque éclata la guerre de 1914-1918.

Promu général de brigade en août 1914, il doit à sa belle conduite lors de la bataille de la Marne d'être fait par Joffre général de division (14 septembre) puis général de corps d'armée en octobre et, après les offensives d'Artois et de Champagne, général d'armée (juin 1915). Il acquiert à cette époque la réputation d'être économe du sang de ses hommes, grâce à de longues préparations d'artillerie qui ouvrent la voie aux fantassins. Enfin, à Verdun (1916), il contribue par sa ténacité à une victoire défensive, décisive pour la suite des opérations, et qui assure sa promotion de commandant du groupe d'armées du Centre.

En mai 1917, il remplace Nivelle comme commandant en chef des armées françaises; à ce poste, il ne témoigne d'aucune qualité stratégique particulière, mais, après avoir réprimé les mutineries et restauré la discipline en faisant condamner à mort 554 mutins, il sait redonner confiance aux troupes grâce à quelques succès tactiques et à sa prudence; surtout, il apporte tous ses soins à la réorganisation d'une armée qui, sous le commandement de Foch, remporte la victoire finale en novembre 1918.

Maréchal de France en novembre 1918, il est envoyé en mission au Maroc en 1925 ; évinçant Lyautey, il y dirige la campagne du Rif et rétablit la situation compromise par la révolte d'Abd el‑Krim. Vice‑président du Conseil supérieur de la guerre, inspecteur général des armées (le capitaine Charles de Gaulle compte alors parmi ses collaborateurs), il est élu à l'Académie française en 1929 et devient inspecteur de la défense aérienne du territoire en 1931.

L'émeute du 6 février 1934 fait de lui un homme politique : Doumergue l'appelle au ministère de la Guerre. En 1939, il est nommé ambassadeur de France auprès de Franco, qui vient d'écraser la république espagnole.

Rappelé au gouvernement par P.Reynaud aux jours sombres de mai 1940 et nommé vice‑président du Conseil, il est alors, avec Franchet d'Esperey, le dernier maréchal survivant de la Grande Guerre, et son prestige est immense.

Le 16 juin, il devient président du Conseil; le 17, refusant de poursuivre le combat en Afrique du Nord, il demande l'armistice. La moitié du territoire national métropolitain étant occupée par les Allemands, il installe son gouvernement à Vichy. C'est là que, le 10 juillet, l'Assemblée nationale lui vote les pleins pouvoirs constitutionnels (80 parlementaires seulement votèrent contre). Il met fin aussitôt à la République et, sous la devise "Travail, Famille, Patrie", met en place un régime autoritaire et hiérarchisé: l'État français, dont il confie le gouvernement à Pierre Laval.

La doctrine du gouvernement de Vichy, dite de " révolution nationale ", est nationaliste et réactionnaire. Devançant la demande des autorités allemandes, le régime publie dès août les premiers décrets contre les juifs. Vis à vis des Allemands, Pétain, placé sous l'influence d'un entourage hétérogène allant d'anciens socialistes à l'extrême droite fasciste, pratique d'abord une politique extérieure ambiguë: désireux de pratiquer une politique d'entente avec l'Allemagne (il rencontre Hitler à Montoire en octobre 1940), il s'efforce néanmoins de garder le contact avec le gouvernement anglais (mission Rougier, septembre 1940), les États‑Unis (par l'intermédiaire de l'amiral Leahy, ambassadeur) et aussi l'Espagne de Franco, qui avait esquivé les propositions d'Hitler.

En décembre 1940, cherchant à se démarquer des partisans les plus zélés de la collaboration, il renvoie Laval, avocat d'une collaboration sans limites avec les nazis, et le remplace par l'amiral Darlan; mais il ne peut tenir tête longtemps aux injonctions des Allemands, et, sur leur ordre, il doit rappeller Laval en avril 1942.

Au reste, depuis quelque temps, la lucidité du maréchal est à éclipses et il n'apprécie plus clairement la situation. Lors de l'invasion de la zone Sud en novembre 1942, il refuse de quitter Vichy. Ne disposant plus face aux Allemands que de l'ombre du pouvoir, il apporte désormais sa caution à l'occupant : il salue par un message la création de la Légion antibolchevique (LVF) qui va combattre sur le front russe sous l'uniforme nazi et encourage la Milice de Darnand jusque dans ses pires exactions, en laissant déporter sans protester des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, juifs en grande majorité. En août 1944, il est enlevé par les Allemands, qui l'installent à Sigmaringen (Allemagne) ; il refuse d'y constituer un gouvernement fantôme et, en avril 1945, il passe en Suisse et se rend à la justice française (26 avril 1945).

Traduit devant la Haute Cour, Pétain refusa de prendre la parole durant son procès. Condamné à mort en août 1945 (et radié de l'Académie française), il vit sa peine commuée en détention perpétuelle par le général de Gaulle; il mourut à l'île d'Yeu, après six années de captivité.

Source : © Encyclopédie Hachette Multimédia 2003